Entretien exclusif avec Laurent Chamu coach du Havre, LF2

Entretien exclusif avec Laurent Chamu coach du Havre, LF2

Laurent Chamu - ALA Le Havre - LF2 - Yves-Marie Vérove - Michel Veyronnet

Cette semaine, vous avez pu découvrir Ljiljana Tomasevic, la meneuse du ALA Le Havre, ce week end place à Laurent Chamu, celui qui est à l'origine de la réussite du club en LF2.

source : @ Romain Chaib

 

Inside Basket Europe : Comment êtes-vous arrivé à ALA Aplemont Le Havre ?

 

Laurent Chamu : Je suis venu finir ma carrière de basketteur dans ce club. En 1998, à 30 ans, j'ai quitté le SPO Rouen pour assurer ma reconversion. Il y avait un poste de conseiller technique départemental au Havre qui se libérait. J'ai obtenu ce poste et je cherchais à côté un club pour continuer à jouer, en tant qu'amateur et j'ai choisi Aplemont le Havre en Nationale 3.

 

Pour le poste de conseiller technique, j'avais mes diplômes d'entraîneur, j'ai été d'ailleurs le plus jeune diplômé brevet d'Etat en Haute-Normandie (1991). Ensuite, j'ai joué cinq ans en Nationale 3, puis j'ai repris l'équipe en Excellence Nationale où j'occupais un poste d'entraîneur-joueur.

 

ISBE : Comment a débuté votre carrière en LF2 ?

 

L.C: Mon arrivée en Ligue 2, c'était fin octobre 2010. L'équipe était montée en LF2, et il y avait des problèmes de résultats puisqu'il devait y avoir une victoire et huit défaites, et surtout le problème, c'était l'ampleur des défaites. A ce moment, le club sortait d'une lourde défaite de 50 points à Lyon.

 

Les joueuses du Havre sont allées voir le directeur, en pleine réunion, pour annoncer un mouvement de grève en demandant le départ de l'entraîneur, sinon elles quittaient le club.

 

ISBE : Vous n'avez pas eu peur de cette prise de position de la part des joueuses ?

 

L.C : Je n'étais pas encore dans le projet, j'avais les garçons et j'avais dans l'esprit de les faire remonter en Nationale et notamment en Nationale 2. Mais devant le fait accompli, les dirigeants n'avaient que deux alternatives : soit garder l'entraîneur et sur dix joueuses, huit partaient, soit changer ou reclasser le coach au sein du club.

 

Le lendemain, les dirigeants m'ont appelé pour savoir si ce poste d'entraîneur de l'équipe de Ligue 2 m'intéressait. Il me faisait confiance, il connaissait mes aptitudes, et j'ai accepté immédiatement. Je crois que j'ai réfléchi juste une heure.

 

ISBE : Pourquoi avoir changé aussi rapidement de voie en passant d'un projet de Nationale 2 à la Ligue 2 Féminine ?

 

L.C : Je suis un compétiteur attiré par le haut niveau, je me disais que c'était de la Ligue, l'équivalent de la Pro B, deuxième niveau national... Je suis entraîneur et c'était le moment de mettre en pratique ce que j'ai appris durant toute ma carrière pro.

 

Ce qui est intéressant, c'est que mon père a été entraîneur d'Amiens en Pro A féminine. Donc tout jeune déjà, je vivais au rythme des matchs de haut niveau féminin et je pense que cela a dû influencer ma décision et le fait que j'ai passé rapidement mes diplômes d'entraîneur.

 

J'ai été plus ou moins entraîneur quand j'étais pro. Je cherchais toujours à analyser, la stratégie m'intéressait énormément. De ce point de vue-là, j'ai été très influencé par ma référence, celui qui a été mon mentor à Berck, Yves-Marie Vérove, puisque c'est lui qui m'a offert mon premier contrat pro.

 

C'est assez incroyable parce que mon premier entraîneur à Berck et mon dernier coach à Rouen, Michel Veyronnet, m'ont beaucoup influencé sur le plan technico-tactique. Même si le premier était plus un meneur d'hommes, il connaissait sur le bout des doigts les fondamentaux techniques du basket, le second était beaucoup plus au point tactiquement.

 

Je ne dis pas que je n'ai pas eu de bons entraîneurs entre les deux, ce n'est pas la question, mais ce sont ces deux-là qui m'ont le plus influencé. Tout au long de ma carrière professionnelle, je me suis nourri un peu de tas d'éléments, comme un puzzle et c'est comme ça que je me suis construit l'idée de ce métier. J'attendais d'avoir cette opportunité, et quand c'est venu de mon club, comme je te l'ai dit, je n'ai réfléchi qu'une heure.

 

ISBE : Quels ont été vos premiers résultats ?

 

L.C : Alors il a fallu au départ redonné confiance à ce groupe qui n'avait pris que des valises. Y avait une victoire contre l'INSEP à Paris, de 20 points, mais après ce ne sont que de grosses défaites entre 15 et 50 points. En plus, j'arrive au moment où le club allait jouer que les gros du championnat, et lorsque la LF2 faisait quatre relégations. Nous étions à quatre points du premier non-reléguable.

 

J'ai récupéré un groupe qui était très touché psychologiquement. Lors de mon premier match, cela a été une grande satisfaction et une grosse déception en même temps. On recevait Limoges qui descendait de Ligue Féminine et qui était troisième au classement. On perd ce match après prolongation de deux points, après avoir dominé la rencontre sur 39 minutes 55.

 

Après, c'était très curieux et je n'ai jamais vu ça au cours de ma carrière. On avait perdu, mais tout le monde était content. Les filles se disaient qu'enfin, elles avaient retrouvé leur dignité, et qu'elles pouvaient faire quelques. Mais je ne suis pas un magicien.

 

Le deuxième match on est allé à Perpignan qui jouait la montée en LFB, on a perdu de douze points après avoir fait un très bon match. Le troisième match, on a reçu Nice, qui était premier et qui est monté cette année-là, et on perd de six points chez nous, après un excellent match.

 

J'avais dit aux présidents qu'au bout de trois matchs, nous ferions un bilan. Il fallait malheureusement constater que malgré le retour de l'envie des joueuses, sans recrutement, nous ne pourrions pas sortir de la dernière place. J'ai dit, le nouvel entraîneur a eu cinq nouvelles joueuses, moi, je n'en veux qu'une, sinon on ne gagnera pas.

 

ISBE : Et qui était cette joueuse ?

L.C : Bah justement quelle joueuse. Alexandra Tchangoue. J'ai fait des recherches sur internet, j'ai appelé tous mes contacts dans le milieu, et j'ai appelé un copain qui était Vendée, qui était même entraîneur de Nantes, Antoine Michon, et il m'a dit qu'il y avait une Française, qui faisait ses études à Wake Forest en NCAA, au moment de l'éclosion de Chris Paul.

 

J'ai regardé ses stats d'ailière-forte, et dans la prestigieuse AAC, elle était à 15 points de moyenne et presque 8 rebonds. J'ai essayé de retrouver sa trace sur les réseaux sociaux, même si ce n'est pas très conventionnel, et elle était en Italie au moment où je l'ai contacté. Elle était à Naples, en première division italienne, et elle était troisième joueuse mutée. En fait, elle était en concurrence avec deux étrangères. Donc, Naples faisait des roulements de joueuses à son poste tous les trois matchs. Une situation peu confortable pour elle.

 

Donc elle a trouvé un arrangement avec Naples pour partir, et j'ai réussi à la faire revenir. Je me souviens, elle a atterri à Paris, je suis allé la chercher et nous avons fait deux, trois entraînements. Au bout du troisième entraînement, je lui ai fait signer un contrat avec nous et nous avons aligné cinq victoires d'affilé. On sort de la zone rouge en revenant à égalité avec le premier non-relégable. On perd derrière deux matchs, puis encore après on gagne quatre matchs. A la fin on a réussi à se maintenir.

 

 

source : @ Romain Chaib

 

ISBE : Que s'est-il passé la saison d'après qui fait que vous êtes descendu en nationale 1 ?

 

L.C : Effectivement, le problème a été la saison suivante. Ça a été une année très difficile, où nous avons eu une malchance extraordinaire, et j'insiste bien sur extraordinaire. Nous avons perdu notre Américaine Kayla Smith, la quatrième meilleure marqueuse de la LF2. C'était une intérieure dominante avec 15 points et plus de 10 rebonds de moyenne.

 

Malheureusement, son frère s'est suicidé le jour de l'an aux USA. Elle n'a prévenu personne, elle est partie et on ne l'a plus jamais revu. Du coup, mon équipe était complètement désorganisée. A la trêve, nous étions à 6 victoires, et en phase retour, nous avons gagné qu'un seul match.

 

On a bien essayé de prendre une pigiste, mais c'était long avec la recherche et les autorisations, et en plus c'est arrivé au moment où on se battait avec les autres équipes qui luttaient pour le maintien. Ensuite, il faut le temps que la pigiste puisse prendre ses marques, comprenne les systèmes, et on perd encore des matchs.

 

ISBE : Et donc la Nationale 1 ?

 

L.C : Pas encore. Avec le dépôt de bilan d'Armentières, on repartait en Ligue 2, sauf que nous avions des problèmes financiers en même temps. Je suis arrivé dans un club où j'ignorais que des sommes d'argent avaient été dépensées sans que l'on ait les fonds pour le faire et repartir en Ligue 2 aurait été dangereux pour la pérennité du club.

 

En accord avec le président du club e l'époque, j'ai décidé qu'on allait être plus prudent pour ne pas mettre en péril le club. On partait sur un projet de deux ans en Nationale 1 avec au bout la remontée en Ligue 2.

 

On a décidé de partir avec trois joueuses professionnelles, et trois joueuses semi-pro, qui avaient un travail à côté. Nous avions donc six joueuses et deux cadettes. Lors de la première réunion du comité de direction, l'objectif était d'en laisser deux derrière. Je me rappelle encore du président qui me demande si on peut jouer avec six joueuses. Je lui ai répondu que chez nous, nous pouvions gagner neuf ou dix matchs, car jouer chez nous, c'est très dur.

 

Nous avons pris un risque parce que si une de nos joueuses venait à se blesser, cela diminuerait notre groupe. J'avais six bonnes joueuses. A défaut d'avoir de la quantité j'avais tout miser sur la qualité...

 

La suite de cette interview c'est lundi soir sur Inside Basket Europe. Vous allez découvrir la fabuleuse histoire de ce club, son ascension en Ligue 2, les projets du club, l'amour de la balle orange de Laurent Chamu qui est un coach pas comme les autres. Vous pouvez aussi relire l'entretien avec Ljiljana Tomasevic, joueuse clé du ALA Le Havre.