Entretien exclusif avec Johanna Tayeau (Roche-Vendée, LF2)- 1ère partie

Entretien exclusif avec Johanna Tayeau (Roche-Vendée, LF2)- 1ère partie

Johanna Tayeau - Roche-Vendée - Limoges ABC - Sarra Ouerghi - Aminata Diop - Manu Body
Crédit photo : Anita Degrolard

Johanna Tayeau est une joueuse certes discrète, mais son impact en LF2 fait du bruit. Nous avons eu la chance de nous entretenir longuement avec une des grandes artisanes du beau parcours des Yonnaises.

Inside Basket Europe : Quel est ton parcours avant d'arriver à la Roche-sur-Yon ?

 

 

Johanna Tayeau : J'ai commencé dans un petit club, Corbeil-Essonnes, puis Courcouronnes en minime France. Là-bas j'ai été surclassé et j'ai attendu ma deuxième année pour rentrer en pole île de France. Ensuite, j'ai suis en formation à Bourges Basket et j'y suis restée quatre ans. Normalement, la formation s'étale sur trois ans, mais j'ai eu droit à une année en bonus pour me perfectionner et j'ai eu droit à quelque entraînement pro.

 

Après, j'ai fait une seule détection, en NF1 à l'époque (actuellement, Ligue 2 Féminine) et non pas en LFB directement, pour ne pas griller les étapes. C'était à Limoges, Bertrand Parvaud était intéressé par mon profil, mais en tant que meneuse, alors que je joue au poste 2 à la base.

 

Mais ça a très bien marché, ce qui m'a donné une bonne polyvalence. Ma première année, je n'ai joué que meneuse, puis nous sommes montées en LFB, mais un peu trop tôt pour moi. Malheureusement, nous avons perdu tous nos matchs avec Jimmy Rela. L'année suivante, avec un changement de coach. Et à la fin de la saison, je voulais passer un cap. Avec Limoges, j'avais un peu tout vu très rapidement. Première année, on monte, puis la deuxième année, nous jouons en Ligue féminine et nous sommes redescendues puis la saison d'après on assure le maintien.

 

La Roche-sur-Yon était un club qui jouait souvent le Final Four, et qui avait un projet qui m'intéressait. Du coup, j'arrive là-bas, avec un nouveau coach, Manu Body, alors qu'à l'époque, c'était le coach de Reims qui devait prendre les commandes.

 

Ma première année, on ne peut pas dire que j'ai fait des étincelles. C'était plus une année d'adaptation pour moi, mais j'ai montré de belles choses en fin de saison, où je pouvais davantage m'exprimer. Du coup, le club était partant pour me conserver. La saison dernière, on a fait une belle saison, et je suis plutôt fière de ce que j'ai fait, puisque j'avais des stats assez hautes.

 

La troisième année, le projet était clair : jouer les playoffs. Nous avions raté cet objectif les deux dernières années. Jouer en LF2 c'est bien, mais ce qui m'intéresse, c'est participer aux playoffs, pour éventuellement monter avec le club. J'ai attendu l'effectif, et je dois dire qu'il y a une fille qui m'a impressionnée, c'est Aminata-Nar Diop.

 

J'ai eu des échos d'elles, de la part de coach Jacky Moreau, qui a dit d'elle que c'était une joueuse de talent, avec beaucoup d'expérience. Cette année, ça paye parce que nous allons jouer les playoffs.

 

Bon, il est vrai que l'on a perdu des matchs à notre portée, mais c'est le basket, il faut un gagnant et un perdant. Mais nous avons réalisé l'objectif du playoffs.

 

ISBE : Quel est ton rôle au sein de ton équipe ?

 

J.T : L'année dernière, je pense que je faisais encore partie des joueuses encore timides et je n'avais pas de rôle spécifique. Le coach m'a orienté vers un rôle de leader. J'ai pourtant toujours dit que je n'étais pas spécialement ce type de joueuse, à savoir être leader dans une équipe aussi importante.

 

Mais à l'aide de mon agent, qui m'a dit qu'il fallait passer un cap, qu'il fallait que je montre que je devenais une joueuse avec un réel leadership. Mon rôle est d'être là pour décompresser l'équipe, et sur le terrain, j'assume pleinement mon rôle de leader et à pousser l'équipe. Je pense effectivement que je fais partie des leaders de la Roche-sur-Yon.

 

ISBE : Le leadership se passe comment pour toi : c'est la communication ou les stats ?

 

J.T : L'année dernière, je ne parlais pas trop. Cette année par contre, j'ai assumé dès le début ce rôle, ainsi que le fait de parler et d'échanger. Mes performances m'ont bien entendu aidée pour aller voir les joueuses et parler avec elles.

 

Mon leadership s'exprime plus dans mes actes et dans mon engagement sur le terrain, que ce soit en match ou à l'entraînement. Ensuite, j'échange beaucoup avec mon coach pour que l'on essaye ensemble d'aider notre équipe.

 

ISBE : Donc si on résume, toi le mène ton équipe sur le terrain, et Sarra Ouerghi prend la parole ?

 

J.T : Oui et non. Sarra est une capitaine timide. Aminata, elle ne parle pas beaucoup non plus, mais c'est un superbe pilier, elle est comme mon bras droit sur les entrainements et les matchs. Elle ne parle pas beaucoup, mais quand elle parle, c'est efficace. Elle partage bien le rôle de capitanat avec Sarra.

 

Nous sommes trois leaders. Moi sur les actes, mais la communication passe par Sarra et Aminata, car ces deux joueuses arrivent à nous canaliser, et à nous motiver par le peu de mots qu'elles disent. Elles ont un fort impact à chaque fois qu'elles parlent. Toute l'équipe est à l'écoute à chaque fois.

 

 

ISBE : Vous avez très bien commencé la saison avec huit victoire de rang, et puis il y a eu ce déplacement à Pau.

 

J.T : On perd contre Pau et c'est notre première défaite. Tout le monde cherche à faire une saison sans défaite, mais cette défaite devait arriver à un moment. Moralement, cette défaite à Pau nous a fait mal. Non seulement, on perd, mais en plus, on se fait largement battre, notamment en seconde mi-temps.

 

Nous avons eu du mal à digérer cette défaite, puis on part contre l'INSEP et on perd. Cette défaite-là a fait encore plus de mal. On peut invoquer mille raisons, genre l'arbitrage, le déroulement, etc. Mais au final, on se rend compte que des jeunes nous ont battues. Nous n'avons pas géré le match, elles étaient beaucoup trop à l'aise. Le pire, c'est que nous revenons en fin de partie, et on perd sur le fil. L'INSEP et ces petites jeunes méritaient leur victoire.

 

Cela nous a remis les pendules à l'heure et cela nous a obligé à faire une remise en question individuelle. Soit on baisse les bras et on abandonne, soit on essaye de se motiver ensemble pour se dire qu'il faut oublier. On a manqué de temps dans cette motivation puisque derrière on rencontre Perpignan et on perd.

 

Nous étions en train de creuser notre tombe, mais la grande force de la Roche-Vendée, c'est cette remise en question collective. Il n'y a pas un coupable, nous sommes tous fautifs. C'est ensemble que l'on s'est repris. Aminata, Sarra et le coach ont joué un rôle primordial dans cette période.

 

Aminata m'a beaucoup apporté dans ces moments-là, cela m'a fait du bien. Derrière cela m'a reboostée et j'ai de nouveau motivé l'équipe pour aller de l'avant. Derrière on a enchaîné les victoires. C'est ensemble que nous avons remonté la pente, que nous avons assuré notre place aux playoffs et la deuxième place.

 

@ Source : Anita Degrolard

 

ISBE : Est-ce si important que ça de jouer à domicile ?

 

J.T : A domicile on a tout gagné et toutes nos défaites sont à l'extérieur. Dunkerque est un match piège, avec une intérieure difficilement arretable. On n'a pas su réagir, d'autant qu'il nous manquait Sarra. Cela m'a rappelé la défaite contre Pau, avec des intérieures qui se lâchent derrière l'arc. Notre défense n'était pas terrible. Après moi, j'ai eu un traumatisme crânien sur ce match, et du coup vu que je suis une des leaders du groupe, il ne restait plus qu'Aminata.

 

ISBE : C'est vraiment important ou pas de jouer à domicile ?

 

Pour ma part, cela ne change pas grand-chose dans mon approche des matchs. Un terrain, que ce soit à la Roche ou chez elles, peu importe, c'est chez moi aussi (rires).

 

Je pense cependant qu'à l'extérieur, il y a plus de choses à gérer durant le match. Quand nous sommes chez nous, le public est avec nous, donc cela nous motive en plus. Nous ne voulons pas les décevoir et on se donne à 400%. Attention, je ne dis pas qu'à l'extérieur, nous ne sommes pas à ce niveau d'investissement, mais il nous manque ses supporters.

 

Après ce qui est compliqué en LF2, c'est l'arbitrage. On ne sait pas comment ça va siffler, si c'est sévère ou laxiste, s'ils sont proches de la ville où ils arbitrent, etc. L'arbitrage sur un match n'est jamais le même. Jouer à l'extérieur, ce n'est pas la même ambiance.

 

ISBE : Imaginons vous arrivez en finale et vous gagnez; Pouvez-vous vraiment jouer la LFB avec votre équipe actuelle ?

 

J.T : Je pense que sportivement, nous pouvons le faire. Nous sommes prêtes. L'équipe devrait certainement changer si nous montons en LFB.

 

Après s'il y a des départs, cela viendra aussi beaucoup des filles. Est-ce que certaines se sentent les épaules de jouer dans l'élite pour la saison prochaine si nous montons ? Tout le monde a envie de jouer en LFB, mais certaines se sentent peut-être pas totalement prêtes et ont besoin de temps.

 

Le coach et le président devront prendre leurs décisions et cela va être aussi compliqué pour eux. Mais comme j'ai pu le voir à chaque montée d'une équipe, l'équipe conserve un gros noyau dur, et le reste de l'effectif change pour se renforcer.

 

ISBE : Et toi tu es prête à jouer la LFB à nouveau ?

 

J.T : Oui. Je n'ai pas eu une mauvaise expérience avec Limoges même si on n'a rien gagné, mais si on regarde l'effectif que nous avions, nous le vivions plutôt bien.

 

C'était une année très dure moralement pour gérer ces défaites sur toute une année, et je pense que nous sommes sorties grandies et non abattues de cette expérience. Je pense que je suis prête à jouer à nouveau en LFB et jouer contre des filles de haut calibre. Je suis prête à passer un cap, baskettement parlant.

 

Demain, deuxième partie de cette interview d'une joueuse marquante de la LF2, une amoureuse du basket et une joueuse qui s'épanouit en Vendée.