Sylvain Lautié - FAC du Basket : ''Voir ces joueurs sans club, c'est préoccupant''

Sylvain Lautié - FAC du Basket : ''Voir ces joueurs sans club, c'est préoccupant''

FAC Basket ball - Sylvain Lautié
Crédit photo : FAC du Basketball

Coach de la première session de la FAC du Basketball version 2014, Sylvain Lautié a eu la gentillesse de nous accorder une interview exclusive.

Inside Basket Europe : Bonjour Sylvain, merci d'avoir accepté cette interview... connaissais-tu le projet de Franck Chrétien, la FAC du Basketball, avant cette année ?

Sylvain Lautié : Oui, cela faisait plusieurs fois que Franck me contactais, mais pour des raisons de timing par rapport aux matchs amicaux on n'arrivait pas à bien finaliser. L'organisation de ces sessions est compliquée et cette année quand il m'a interpellé j'ai aussitôt accepté parce que c'est bien de rester en activité et de passer du temps avec des joueurs. Le but du jeu de la FAC, c'est d'être un phénomène booster pour que les joueurs retrouvent une dynamique et ne s'enferment pas dans un carcan. Ce qu'on essaye d'insuffler de positif rejaillit sur notre propre personne.

Est-ce que tu sens de la motivation chez ces joueurs ? Une envie de rester en forme, une envie de montrer qu'on a faim de basket ?

Il y a un petit peu de tout, c'est compliqué parce que la FAC n'est pas évidente à gérer pour un coach pour diverses raisons. Il y a des joueurs qui arrivent avec des niveaux de forme différents et aussi d'horizons divers. Il y a des choses à faire, l'équilibre est dur à trouver car chaque joueur doit avoir l'opportunité de se montrer. Un coach à la FAC ne peut pas avoir la même réaction qu'en saison. Si un joueur fait une erreur ou deux erreurs on est plus patient que dans une équipe pro, c'est normal... mais en même temps nous avons le devoir de sortir certains joueurs d'un train train, d'une routine, d'une fatalité... Il faut donc de temps en temps sortir les joueurs de cette torpeur et mettre de l'énergie ! Ces deux attitudes différentes on essaye de les faire évoluer au fil de la semaine. Lorsque nous avons fait le premier match face à St-Francis (NDLR : une défaite après avoir largement dominé en première mi-temps) nous avons fait les rotations en faisant fi de l'évolution du score mais en se concentrant sur le jeu de chacun. On a changé d'attitude face à Rodez (victoire), notre matière d'être était plus proche de ce qu'on produit régulièrement en club pour essayer de booster tout le monde. Booster les gens ce n'est pas toujours les caresser dans le sens du poil c'est aussi monter la voix, monter le son avec modération.

Tu avais prévu des tactiques, des schémas de jeu ? As-tu conservé des choses que tu avais déjà employé ?

On met deux ou trois petites phases de jeu qui peuvent correspondre à la constitution du groupe. On a donc mis en place beaucoup de mouvement.

Es-tu intervenu pour former ce groupe de joueur ?

Nous avons eu un échange avec Franck pour la constitution oui, mais le groupe est naturellement fait... premier critère, est-ce que les joueurs sont syndiqués ou pas... deuxième critère, le niveau de compétition et enfin les postes de jeu. C'est ainsi que nous avons hiérarchisé les priorités.

La FAC a quatre ans d'existence avec ses évolutions, très accés sur la reconversion par exemple, l'encadrement. Est-ce que le concept peut évoluer encore selon toi et comment ?

Je pense que l'organisation est quasi-idéale pour les joueurs. Le cadre est sympa, on a besoin d'y fédérer un vrai groupe et les interventions de coachs, de personne de la reconversion, de nutritionnistes sont très utiles. Les joueurs qui n'ont pas de clubs doivent être doublement vigilants sur l'alimentation pour rester en forme. L'organisation est vraiment extraordinaire.

J'imagine que tu as déjà connu des joueurs hors de forme en début de saison dans ta carrière de coach...

Cette nouvelle génération est pleine de paradoxe. Ces garçons paraissent parfois non concernés ou paraissent ne pas avoir l'attitude professionnelle telle qu'elle devrait être. Il y a 15 ou 20 ans, il y avait quasiment 10 jours de footing à la reprise parce que les joueurs revenaient avec parfois 12 kilos de trop. Cette nouvelle génération, elle, arrive relativement en forme, rarement en surpoids mais à l'inverse il y a d'autres problèmes.

Il y a des joueurs qui ne s'arrêtent plus...

Non ils ne s'arrêtent plus, ils font du sport, d'autres choses mais cette génération oblige les coachs à s'adapter car on est souvent dans l'illogisme et c'est difficile à contrôler.

Le projet de la FAC de faire des camps d'été de préparation, ça peut être une bonne chose pour les clubs qui peuvent y mettre leurs joueurs ?

Oui, ce sont de bonnes idées. Il y a une notion d'investissement que le joueur n'a pas toujours. C'est une projection sur le futur et les joueurs ne voient pas toujours l'intérêt et font plutôt fonctionner leurs réseaux de connaissance car il y a un moindre coup. Au foot la coupure est entre trois semaines et un mois, nous nous sommes à deux mois et je pense aussi que dans le futur les clubs devraient investir dans des camps estivaux qui permettraient de gagner un peu de temps sur le début de saison et de se concentrer sur le collectif. La cohésion y prendrait de l'avance et la forme des joueurs ne serait plus un soucis. Il y a des choses à faire dans ce sens là, je pense que quand on a un budget entre trois et cinq millions on peut dépenser 15000 euros pour ce genre de structure. Le staff s'y retrouverait.

Avec un peu plus de recule, quel est ton sentiment après cette session à la FAC du basket ?

Premier sentiment, il y a trop de joueurs en recherche d'emploi. Il y a eu la fameuse règle d'un étranger en plus en NM1 qui a changé beaucoup de choses et c'est dommage et inquiétant. Tout le monde subit la crise économique et des joueurs intermédiaires risquent, dans le contexte actuel, avoir plus de mal à trouver du travail parce que les entraîneurs vont se tourner vers un 5/6 majeur et vont donner d'autres positions à de jeunes joueurs. Il y aura des joueurs cadres, des jeunes... et plus de middle class, un peu comme dans la vie. C'est très préoccupant...

Mais alors il faudrait faire quoi ?

Il y a des solutions... la LNB essaye d'être innovante mais en 44 matchs de Pro B il y a eu très peu de blessés. Les équipes ne pouvaient pas s’entraîner, par exemple avec Boulazac on était toujours dans le bus. Donc évidemment on ne pouvait pas faire appel à des joueurs en recherche d'emploi. Mais il y a quelque chose de très simple à mettre en place pour faire évoluer les joueurs Français. On est très fort en formation mais ensuite on ne donne pas de chance aux JFL, donc si on veut les faire jouer, la grosse innovation serait de ne plus jouer quarante minutes mais quarante-huit ! J'ai parlé de ça à la ligue il y a déjà pas mal de temps.

Merci beaucoup Sylvain pour cette excellente interview...

Merci à toi.