Will Yeguete - Pau-Lacq-Orthez : ''Tout était réuni pour que je franchisse un cap ici à Pau''

Will Yeguete - Pau-Lacq-Orthez : ''Tout était réuni pour que je franchisse un cap ici à Pau''

Pro A - Pau-Lacq-Orthez - Will Yeguete
Crédit photo : Cyril D. cyrilobjectif.com
Quelle progression pour Will Yeguete (ici en rouge la saison dernière avec les couleurs du STB le Havre).

Entretien exclusif avec Will Yeguete, joueur de l'Elan Béarnais et révélation de cette saison en Pro A.

Inside Basket Europe : Tout d'abord, merci de prendre le temps de répondre à nos questions à quelques jours de partir en vacances. Peux-tu revenir sur la saison qui s'est malheureusement terminée sur une défaite face à la SIG en quart de finale des Play-offs ?

Will Yeguete : Je pense que globalement nous avons fait une bonne saison. Tout d'abord il faut savoir que cette année, nous possédions un petit effectif, seulement 8 pros sous contrat. On savait que les rotations seraient peu nombreuses, donc on se devait de très vite apprendre à jouer ensemble. Après un début de saison mitigé et un bilan de 6 victoires pour 8 défaites, l'équipe a enchainé 11 victoires consécutives. L'ambiance dans l'équipe était tout simplement fantastique et même quand la fin de saison a été plus complexe nous ne nous sommes jamais affolés. C'était important de continuer à bien vivre ensemble car on sait très bien que dans ce championnat, quand tu commences à perdre alors il est parfois difficile de se relever. Le club à retrouver les play-offs après 10 années d'absence, c'est un sentiment de fierté de se dire que nous avons réussi à faire partie de l'histoire du club en le ramenant sur le devant de la scène.

Sur un plan personnel, ta saison est aussi une réussite ?

Oui j'ai fait une bonne saison. J'ai réussi à être plus constant que l'an dernier au Havre. Le contexte était différent cette année. Avec seulement trois intérieurs dans l'équipe je savais que j'allais avoir plus de temps de jeu et plus de responsabilités. Le Coach Eric Bartecheky m'a fait vraiment confiance. Moi aussi j'étais plus sûr de moi, je savais de quoi j'étais capable. A partir de là tous les ingrédients étaient réunis pour que la saison se déroule correctement. J'ai eu de la chance de jouer aux cotés de très bons joueurs, très expérimentés : Juice (Thompson) qui a fait une saison quasiment parfaite et qui nous a ''porté'' tout le long du championnat , JK (Edwards) qui joue en Pro A depuis longtemps et qui lui avait un rôle différent mais tout aussi important dans le groupe grâce à son aura, Max (Kouguere) et Yannick (Bokolo) qui ont élevé leur niveau de jeu durant toute la saison. Un super groupe !

Tu as aussi connu une sélection pour le All Star Game, élu meilleure progression de l'année. Un trophée que tu visais en début de saison ?

Peut-être un peu en début de saison, mais ce n'était pas mon objectif numéro 1. Je voulais avant tout bien commencer la saison, bien arriver dans l'équipe, m'installer le plus rapidement dans la ville, pour débuter la présaison dans les meilleurs conditions possibles. L'an dernier au Havre j'étais arrivé un peu par la petite porte. Ensuite, je voulais être constant car j'apporte beaucoup d'importance à ma régularité.

Cette saison tes statistiques ont doublé par rapport à ton année havraise, notamment dans le domaine offensif. A quoi attribues-tu cette évolution ?

Cette année, j'avais vraiment faim. J'ai fait une très bonne fin de championnat l'an dernier et cette saison avec le temps de jeu que j'allais avoir je voulais tout exploser. Je sais que je peux être un joueur important de ce championnat, j'ai ma place dans cette ligue et je voulais le montrer. Mais pour cela il fallait que je joue, que je me montre agressif vers le cercle pour le bien de l'équipe. Je ne veux pas paraitre prétentieux, mais j'ai des qualités individuelles sur lesquelles je dois m'appuyer. J'ai aussi effectué un gros travail avec Laurent Villa surtout en début de saison, qui m'a permis de m'améliorer sur mon jeu. Prouver que je pouvais être un bon joueur de basket, était ma vraie source de motivation.

Est-ce que vivre dans une ville comme Pau et jouer dans un club avec un passé très important dans l'histoire du basket français t'a aidé à franchir un cap ?

Oui bien sûr, j'ai été très bien accueilli ici, je connaissais aussi très bien le coach, il m'a coaché l'an dernier au Havre. Je connais sa philosophie de jeu et je savais qu'elle fonctionnerait avec les joueurs présents dans l'équipe. J'ai réussi très vite à m'acclimater à la vie paloise, cette ville est super, les fans sont gentils et précieux. La salle est grande, tu peux venir t'entraîner à n'importe quelle heure, les installations sont magnifiques. Tout était réuni pour que je franchisse un cap dans ma carrière ici à Pau.

Non drafté après 4 ans de NCAA et un Final Four. Est-ce que jouer en NBA est toujours un objectif ?

Je ne sais pas trop si c'est un objectif, mais ça reste un rêve. Pour jouer en NBA j'ai besoin d'une opportunité. Je suis un battant et je sais que cette chance peut se présenter et c'est à moi de la saisir à ce moment-là. J'ai bientôt 25 ans et si ça doit se faire ce sera dans les années à venir. Mais je ne me prends pas la tête, j'avance étape par étape. Je regarde aussi beaucoup de matchs d'Euroligue, matchs de championnats européens. Ce sont des compétitions qui me plaisent énormément. Jouer des matchs d'Euroligue est quelque chose que j'aimerais bien connaître un jour dans ma vie de basketteur. Mais je le répète je dois avant tout être constant. La saison vient se terminer et je suis déjà tourné vers la prochaine. Je sais que je serais attendu, l'effet de surprise est terminé et je vais devoir confirmer. Hors de question de se dire que je suis déjà arrivé, c'est en pensant comme ça que tu régresses. Je me dois de rester fort mentalement, de garder ma force physique, car si le corps et la tête suivent, je sais tout ce que je peux apporter à mon équipe.

Aujourd'hui tu préfères avoir du temps de jeu dans une équipe moyenne ou alors jouer pour un club qui joue le titre en Pro A, mais où tu seras soumis à une très forte concurrence ?

C'est un choix que devrais faire un jour dans ma carrière. Mais aujourd'hui j'essaie d'être en place, de me construire en tant que joueur. Si ça se trouve, l'an prochain je reste à Pau et je ne serais pas titulaire, ou vice versa je pars dans un autre club et je suis dans le 5 majeur à chaque match. Ce n'est pas une question que je me pose, je connais mes qualités, mes défauts et je sais ce que je peux apporter. Depuis ma saison dernière au Havre, j'ai appris à prendre ce que l'on me donne. Tu me donnes 2 min de temps de jeu, je me donne à fond sur ces 2 min. Si je suis performant, alors j'aurais le temps de jeu que je mérite. Et si le coach, ne me fait pas jouer c'est son choix. Je sais que quoi qu'il arrive je ferais le maximum sur le terrain pour n'avoir aucun regret. Tant que j'ai du temps de jeu je suis heureux et je pense que si une équipe me recrute, c'est pour me donner du temps de jeu. Si tu m'utilises 10-15 min et que l'équipe joue bien, je suis content. C'est à moi de travailler pour passer plus de temps sur le parquet. Tu ne peux pas venir dans un club et dire : ''Moi je veux jouer 35 min", ça ne marche pas comme ça. Cette saison, j'aurais sans doute parfois mérité de jouer plus longtemps sur quelques matchs et moins sur d'autres. Le coach reste le maître du jeu et c'est une règle qui doit toujours être respectée.

Tu as été présélectionné pour participer cet été à une compétition avec l'équipe de France A' en Chine. Si tu es appelé ce sera ta seconde campagne avec cette équipe. Représenter la France dans le futur avec l'équipe de France A tu y penses?

Bien sûr que j'y pense. J'ai vraiment envie un jour de représenter la France. Il faut savoir que j'ai été sélectionné aussi en équipe de France U20 pour jouer l'Euro et nous avions fini avec la médaille de bronze. Nous avions une très bonne équipe. Rudy Gobert, Evan Fournier ou Joffrey Lauvergne faisaient partie de ma génération. Je joue pour la France depuis assez longtemps et j'aspire à jouer pour la A un jour. On a de la chance en France d'avoir de très bons joueurs à mon poste. Des joueurs NBA, d'autres qui jouent en Europe. Si dans le futur je n'y suis pas, c'est que je ne le mérite pas. Je ne me prends pas la tête avec ça, le plus important est d’être performant avec mon club. C'est un objectif car je suis ambitieux, mais ça ne me hante pas au quotidien. Cet été, si tout se passe bien, je serais en Chine avec les A', ça reste l'équipe de France et je serais ravi de pouvoir encore la représenter.

Tu as la chance d'avoir vécu 6 ans en Floride. Deux ans au lycée et 4 ans à l'université, on ressent chez toi une forte présence de la culture américaine...

Oui (rires), si tu demandes à mes coéquipiers, ils te diront Will on ne s'est pas d'où il est. Je suis né en Côte d'Ivoire, mes parents sont Centre-Africains, je suis arrivé en France, en région parisienne à l’âge de 10 ans et je suis parti aux Etats Unis à l'âge de 16 ans. J'ai la chance d'avoir un parcours assez atypique. Si je me sens plus français qu'américain? Non, j'ai quand même un passeport français, même si j'ai quand même vécu 6 ans aux Etats unis (16 ans à 22 ans). C'est une période où tu commences à te construire en tant qu'homme, une période très importante pour tout homme sur terre. Je viens d'un peu partout, donc j'essaie de prendre un peu de chaque culture. J'admire la mentalité américaine, c'est une mentalité qui m'aide au quotidien et qui me permet d'être là où je suis aujourd'hui. Sans mon passage en Floride, je ne serais sans doute pas le joueur et l'homme que je suis aujourd'hui, et je ne serais sans doute pas basketteur professionnel. Quand je jouais en France, j'étais à Epinal et je n'étais personne. Jeune, je n'ai pas eu la chance de jouer dans les catégories Cadets France ou Espoirs Pro A. Ce sont mes années chez les Gators de Florida, qui ont fait que les gens ont commencé à me connaitre, à parler de moi.

La vie sur le campus, quand tu es jeune français c'est comment ?

Mon passage de deux ans dans un lycée américain m'a beaucoup aidé. J'ai eu la chance d'être dans un lycée strict, une école militaire, avec de très bons professeurs et coachs. La NCAA c'est juste dingue! La façon dont ils arrivent à jumeler école et basket est exceptionnelle. L'ambiance sur un campus américain, tu ne la trouves nulle part ailleurs.

On dit souvent que les années passées NCAA sont des années qui restent gravées à vie dans une carrière ?

Tout a fait, malgré le fait que la NCAA soit un business, ce sont des années inoubliables. Pendant 4 ans, tu joues avec tes potes, des amis qui le seront pour la vie. Tu rencontres des personnes extraordinaires, tu voyages dans tout le pays pour affronter les meilleurs équipes, tu loges dans de très beaux hôtels. Tu n'es pas payé mais tu as une bourse d'étude et l'amitié est saine car dénuée de tout rapport avec l'argent. J'ai la chance d'avoir joué avec des supers mecs, durant cette période. C'est tout simplement magnifique et inoubliable. C'est spécial, tu grandis avec des gars, qui deviennent tes frères. En France, tu as un peu la même chose avec L'INSEP. Quand tu découvres le monde Pro, tu te rends compte de toute la différence. Très souvent tu sais que tu changeras de club fréquemment. Mes années à Florida resteront gravées en moi. J'ai été entrainé par Billy Donovan, qui est aujourd'hui coach Oklahoma City. C'est un coach qui compte énormément pour moi. Il est actuellement au porte d'une finale NBA.  C'est une personne spéciale, je ne savais pas qu'il allait être aussi bon en NBA, mais cela ne me surprend pas du tout.

La solidarité, l'amitié c'est ce que tu as retrouvé cette saison à Pau ?

Oui, comme je l'ai dit plus haut, on avait un super groupe. L'an dernier au Havre Ricardo Greer me disait, que je l'allais connaître des saisons durant ma carrière avec des équipes de m****. Pour l'instant j'ai la chance d'avoir connu durant mes deux saisons chez les pros de supers coéquipiers. Aucune blessure, aucun joueur coupé. C'est une très bonne chose.

Est-ce que ce mélange de culture fait de toi un homme et un joueur différent ?

Oui j'essaie de me servir de mon expérience dans chaque pays où j'ai vécu. Je suis né en Côte d'Ivoire, j'ai grandi à Abidjan et c'est pour moi mes meilleures années. Je me voyais vivre là-bas toute ma vie, j'avais tout, je vivais bien, L'Afrique est en moi. J'essaie de m'y ressourcer régulièrement. J'ai la chance d'avoir un parcours assez unique, connaître et vivre sur 3 continents a enrichi mon histoire personnelle et si un jour j'ai l'occasion j'aimerais le retranscrire (film, livre). Mais mon histoire ne fait que commencer.

De nombreux sportifs écoutent de la musique avant les matchs. Et toi ?

Non ce n'est pas un rituel. A l'université on avait l'habitude d'écouter de la musique avant les matchs dans le vestiaire. Tout le monde écoute de la musique. Certains joueurs l'écoutent pour évacuer la pression d'avant match, d'autres pour se motiver. Moi ça me motive et me permet d'être prêt quand je rentre sur le terrain. Mais attention, je n'ai pas non plus besoin de ça pour l'être. Si demain j'ai match et que j'ai oublié mes écouteurs je ne vais pas faire un mauvais match pour autant. Ce qui me prépare le mieux c'est le repos le jour du match. Par contre prier avant les matchs, me donnent l'énergie nécessaire pour batailler toute la rencontre.

Quelle est l'importance de la religion dans ta vie ?

Tout ce que je fais c'est par rapport à Dieu. Tout ce que je réalise, c'est à sa gloire. C'est lui qui fait aujourd'hui ce que je suis en tant qu'homme et sportif. Je suis croyant et ma journée ne commence pas sans que je l'ai remercié. Ma religion, ma croyance m'apportent beaucoup de choses dans ma carrière. Je m’efforce de rester positif au quotidien et ce qui est certain c'est que ma foi m'aide beaucoup. Tu sais, parfois tu es loin de chez toi, de ta famille et lire la Bible et avoir la foi que j'ai me permet de continuer à trouver la motivation qui fait que je vais chercher des choses insoupçonnables au fond de moi.

Le basket fait partie de ta vie, tu y accordes beaucoup d'importance. Dans quelques jours va débuter en France un événement exceptionnel L'Euro 2016 de Football. Vas-tu suivre la compétition ?

Oui car j'aime bien le sport en général. Même si je regarde très peu de sport à la télé à part le basket. Mais l'Euro pour un pays organisateur est très important. J'aimerais que la France remporte le tournoi, ils ont leur chance. Tous les français seront derrière eux.

Cette dernière question, sera plus personnelle. J'aimerais tout simplement savoir, en cinq Mots qui est Wilfried Yeguete ?

BATTANT, JOYEUX, COLLECTIF, CROYANT ET AMBITIEUX. J'ai appris aussi à rester humble, à rester ouvert sur le monde. Je suis une personne simple, pas une super star et j'essaie de prendre le temps de parler avec les autres. Montrer que tu es disponible pour les personnes est très important. Je pense être sur cette terre pour les gens et c'est pour cela je prends plaisir à rendre heureux les personnes que je côtoie.